En aval du Paul Ricard sur notre merveilleux Road-Book, se trouve un long ruban de bitume que l’on appelle “le col de l’Espigoulier”. Dans ma petite carrière de motard, j’ai eu l’occasion de frôler des pneus une bonne quantité de routes différentes, majoritairement très agréables à rouler. J’y ai roulé plus ou moins vite en fonction de ce que j’en connaissais et de la confiance que l’endroit pouvait m’inspirer, et je sais qu’il n’est pas de routes plus agréables à parcourir que celles qui sont intuitives, et qui permettent l’espace de quelques minutes dans une balade, de rouler aussi fort que chez soi avec le piquant de la découverte.
Je pense pouvoir me souvenir de trois routes, seulement trois, qui m’ont offert ce plaisir à portée de roue, la vallée de l’Eyrieu, une route d'Auvergne où un motard a voulu faire le kakou et a fini sous une voiture en stationnement et maintenant, ce fameux col de l’Espigoulier.
Au début, nous avons presque failli manquer l’endroit relativement mal indiqué, mais par chance et avec un peu de persé-
vérence, une gentille dame nous a indiqué la bonne route! Et dès les premiers mètres c’est une révélation, la route est
belle, l’endroit est incompréhensiblement désert de tout touriste trainard en scénic diesel et il fait beau! Alors j’attends
quelques minutes, pour voir si mon chef de file va hausser le rythme... rien, bon, je passe devant et j’ouvre dans ce cas !
C’est immédiat, je me sens à l’aise avec la route, en osmose avec ma machine qui attend depuis 300 kilomètres pour se dé-
gourdir un peu les bielles. Une longue série de courbes se dessine devant moi, avalée à grande vitesse dans un tango endia-
blé. Ma machine virevolte de gauche à droite de manière gracile, les accélérations s’enchaînent avec les freinages le long de la montagne. Tout semble tourbillonner, le paysage, les gens qui me regardent passer sur le bord de la route, le ciel bleu, tout se mêle dans un sentiment de satisfaction intense jusqu’au sommet du Col.
Photo pour la postérité, pour bien prouver que mon Speed (qui est bô) “était là” comme disent les vieux qui “étaient là”, en 68, à Woodstock, dans les diverses grandes manifestations de l’histoire ou lorsque l’homme a marché sur la lune pour la première fois. J’aime beaucoup ce genre de paysages un peu lunaires, comme à Valloire, mélange de rocaille, d’horizon et d’arbres, si possible désert d’êtres humains. C’est reposant, dépaysant, de se voir qu’il reste encore des petits coins ou l’urbanisme n’est pas encore venu s’implanter en force.